L’académie des immortels







Descente aux Enfers – 900 Millénaires de Solitude


Illustration temporaire

L’académie des immortels

La salle de simulation s’illumina graduellement, recomposant le bureau de Jules Verne avec une fidélité déconcertante. L’odeur du cuir des fauteuils, le craquement feutré du parquet, le tic-tac rassurant de la pendule – tout semblait sorti d’une autre époque. Sara et Ethan se tenaient face à l’acajou du bureau, légèrement intimidés.

Verne apparut soudain, aussi net que le jour où la Ligue l’avait rencontré pour la première fois. Sa barbe soignée, son regard vif et curieux formaient un contraste frappant avec l’apparence fatiguée des deux survivants.

— Ah, des envahisseurs extraterrestres ! » s’exclama-t-il avec un sourire malicieux. « Leur choix d’Europa, comme base… prévisible, vraiment. Je l’avais pressenti dans mes notes inachevées de 1863.

Sara échangea un regard perplexe avec Ethan.
— Monsieur Verne, commença-t-elle, — nous avons besoin de conseils pour les dérouter, naturellement
Verne en fouillant dans un carnet.

— Les Pravasis me rappellent mes Sélénites, d’un certain point de vue – même arrogance, même incapacité à comprendre les subtilités humaines. Connaissez-vous la façon dont le Capitaine Nemo a affronté le calmar géant ?

— Hum… avec de l’électricité ? » tenta Ethan.

— Exactement ! Verne se redressa avec énergie. — Et pourquoi les Pravasis se croient-ils intouchables ? Parce qu’ils ne jurent que par leur technologie ! Pourtant, comme je l’ai souvent dit : la technologie sans imagination n’est qu’un canon sans poudre.

Il s’arrêta un instant, amusé par l’air confus de Sara et Ethan.

— Ah, pardon. Disons plutôt… un drone sans batterie ? Est-ce plus clair ? L’avantage d’être un esprit virtuel, c’est de pouvoir moderniser son vocabulaire.

Sara esquissa un sourire.

— Alors, que nous proposez-vous ?

— Les Pravasis sont… enfin, un peu comme mes Morlocks… non, attendez, ça c’est Wells… » Il feuilleta ses notes avec frénésie.

— Ah, voilà ! Les pirates dans Les Enfants du Capitaine Grant ! Aveuglés par leur propre supériorité, ils négligent les solutions les plus simples. Prenons leurs vaisseaux… » Il dessina rapidement un schéma. « Ils empruntent toujours les mêmes trajectoires, n’est-ce pas ? Comme des navires suivant les courants marins. La routine, mes amis, c’est leur faiblesse.

— Mes écrits ont souvent exploré les prodiges de la science et les voyages extraordinaires. Mais au fil des ans, ma plume a également esquissé les ombres du progrès, les menaces que l’humanité pourrait faire peser sur son propre avenir. N’ai-je pas imaginé, dans mes récits, l’épuisement des ressources terrestres, les dangers d’une technologie incontrôlée, ou les conséquences funestes des conflits entre nations ? En contemplant votre époque, je ne peux m’empêcher de penser que certaines de ces anticipations, que d’aucuns prenaient pour de simples fictions, trouvent aujourd’hui un écho troublant dans la réalité de votre monde. Puissiez-vous, forts des leçons du passé — même imaginaires —, œuvrer à éviter les écueils que j’ai pu entrevoir. »
La consultation se poursuivit ainsi, entre intuitions éclatantes et références littéraires anachroniques. Quand la simulation prit fin, Sara et Ethan restèrent pensifs.

Chapitre XIV